Au royaume du paratexte, les titres des œuvres endossent parfois un rôle un peu particulier : celui d’expliciter jusqu’à l’absurde les liens compliqués qui unissent, au sein d’une pièce, le signifiant, le signifié et leur référent originel. Ceci n’est pas une pipe de Magritte en est sûrement l’exemple le plus célèbre.
Chez Coraline de Chiara, la technique est un peu différente puisque les titres de ses peintures à l’huile sont souvent des initiales : M. pour Manet, P.B. pour Pierre Bonnard, etc. Bien sûr, elle s’inscrit dans la descendance des stratégies appropriationnistes des années 70. Comme Lévine ou Bidlo, elle s’intéresse à la « reproduction de la reproduction » puisqu’elle recycle des photographies de tableaux qu’elle trouve dans les ouvrages d’art.
Les initiales renvoient moins à l’artiste dont elle s’approprie le travail, qu’au paratexte lui-même, c’est-à-dire aux éléments de notations de la mise en page qui entourent l’image trouvée. L’artiste n’éprouve pas de fascination pour l’équivalence postmoderne des signes. Bien au contraire. Les procédures de découpage et de reconfiguration des mises en pages qu’elle prélève lui permettent de faire surgir la matérialité du papier, sa texture, ses reflets, sa résistance.
Autant d’agencements dont elle s’inspire dans ses compositions picturales en trompe-l’œil. L’œuvre, par conséquent, incarne un paradoxe intéressant : comment, avec des outils postmodernes – la citation et l’illusion -, retrouver la spécificité et la matérialité de la peinture ?